Comment connaître son patrimoine santé grâce à la biologie médicale ?

Comment connaître son patrimoine santé grâce à la biologie médicale ?

Les progrès extraordinaires de la biologie moderne permettent aujourd’hui à chacun d’identifier l’ensemble des paramètres composant son métabolisme, ses prédispositions biologiques, et même son patrimoine génétique. Ainsi le bilan biologique permet grâce à des indicateurs multiples de porter à la connaissance du patient l’ensemble des paramètres qui définissent son patrimoine santé. En conséquence, le patient (malade ou en bonne santé) est désormais en meilleure capacité à contrôler sa santé et l’hygiène de vie qui doit l’accompagner.

Le bilan biologique comme carte d’identité du métabolisme nutritionnel

Les examens biologiques, réalisés par prise de sang la plupart du temps, permettent de définir beaucoup des paramètres constitutifs de l’organisme. On compte pas moins d’une soixantaine d’analyses biologiques différentes (cf. rubrique  » La biologie de A à Z  « ). Ces mesures, soumises à une interprétation par le biologiste et à une indication d’échelle des taux normaux communiqués au patient sur sa feuille de résultats, constituent une véritable photo d’identité de la santé du patient.

Par exemple, dans le cadre de l’examen biologique du Cholestérol (Cholesterol CT, Cholésterol HDL-C et Cholésterol LDL- C), l’interprétation des résultats permettra au biologiste de définir que tout sujet ayant un LDL-C supérieur à 1,6 g/ litres doit bénéficier d’une prise en charge diététique afin de modifier son mode de vie et son alimentation. Le traitement diététique sera toujours accompagné par des conseils d’activité physique personnalisée, le but étant de diminuer ainsi le risque de maladie cardio-vasculaires.

Autre exemple, les analyses sanguines définissant la teneur du sang en fer (élément constituant l’essentiel de l’hémoglobine) réalisés en cas de fatigabilité ou de chute anormale des cheveux permettent d’observer des anémies qui peuvent être d’origines très variées. La carence en fer peut être causée par un régime restrictif, à l’exemple du végétarisme, ou par une augmentation des besoins en période de grossesse, de menstruation abondante pour la femme mais peut être aussi le signe d’une pathologie telle que l’ulcère gastroduodénal ou la gastrite médicamenteuse. De l’origine de l’anémie observée dépendra la réponse thérapeutique apportée au patient. Dans le cas d’un manque d’apports en fer, le médecin adaptera un régime nutritionnel enrichi en fer (la viande rouge, les abats, le poisson, les légumes secs, le cacao…) et pourra prescrire des compléments alimentaires. Dans le cas d’une carence due à une pathologie plus grave, le bilan biologique permettra au médecin de prescrire des examens complémentaires et d’établir un suivi thérapeutique adapté à la maladie décelée.

Vers une biologie préventive et prédictive, au service du dépistage précoce des maladies

Selon le docteur Pierre Carayon, professeur de biochimie et de biologie moléculaire à la faculté de médecine de l’université d’Aix-Marseille, « Le bras armé de la médecine prédictive est le dépistage. (…) la médecine prédictive doit créer ses propres instruments et non se satisfaire de ceux utilisés par la médecine curative. La médecine prédictive peut jouer un rôle de premier plan dans l’évolution des pratiques médicales. Il restera à l’intégrer dans l’enseignement de la médecine de demain. »
Au-delà de la dimension curative de certains examens de biologie médicale, les recherches effectuées dans le domaine de la biologie prédictive permettent d’améliorer le dépistage des pathologies en phase « asymptomatique » (en cas d’absence des symptômes propres à la maladie) et ainsi permettent une prise en charge anticipée dans l’objectif d’un allongement de l’espérance de vie, et en bonne santé.

Dans le domaine de la recherche liée à la prévention de l’insuffisance cardiaque, une équipe de cardiologue du CHU et de l’Institut Pasteur de Lille ont fait une découverte décisive pour le dépistage par prise de sang des risques de rechute après un infarctus. Le dépistage de l’épuisement cardiaque post-infarctus souffre actuellement d’un manque de facteurs prédictifs. Pour pallier à cet état de fait, les chercheurs ont étudiés les prélèvements sanguins en lien avec le profil cardiaque d’un groupe de patients cardiaques sur trois ans et ont découvert un biomarqueur dont le taux dans le sang est beaucoup plus élevé chez un patient qui décède précocement que chez le patient qui survit trois ans après le bilan. Cette molécule découverte permettrait d’empêcher des niveaux à risque d’insuffisance cardiaque, et ainsi d’identifier plus vite les patients ayant besoin d’un suivi ou d’une intervention particulière. Le Dr Pascal De Groote, cardiologue au CHRU de Lille affirme que « l’idéal serait de pouvoir dépister tôt les patients qui risquent d’évoluer défavorablement pour pouvoir adapter le traitement thérapeutique et essayer de ralentir voire d’inverser l’évolution de la maladie ».

La biologie prédictive comme outil de connaissance du patrimoine génétique

Aujourd’hui la biologie médicale fournit des informations très précises au médecin, lui permettant de dépister des maladies ou d’identifier des prédispositions génétiques à un patient de plus en plus jeune, même dans le ventre de sa mère. En effet, le diagnostic prénatal permet de déceler très en amont des pathologies comme la trisomie 21, le diabète, l’hypertension, les maladies cardiovasculaires et même Alzheimer. Elle permet aussi d’identifier des prédispositions génétiques à une maladie, en particulier en cancérologie.

De nombreux tests génétiques apportent des informations relatives à la santé des individus ou à celle de leur famille et le domaine qu’ils couvrent est de plus en plus important. Ces tests consistent à rechercher des anomalies sur la molécule d’ADN elle-même, ou à dépister des anomalies concernant le nombre ou la forme des chromosomes. Il peut s’agir de déterminer « l’empreinte génétique » d’un individu, ou alors, de repérer d’éventuelles mutations d’un ou plusieurs gènes, en les comparant avec ceux d’une même séquence ADN « normale ». Lorsque ces variations anormales sont répertoriées, il est possible de les repérer à l’aide d’un test. Toutefois, Ségolène Aymé, chercheuse à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) observe « d’un laboratoire à l’autre, les techniques changent, de même que le coût du test ».

On distingue trois types de tests :

La génétique constitutionnelle, qui apporte des informations sur le patrimoine génétique héréditaire, présent dans toutes les cellules de l’organisme. Les tests sont réalisés le plus souvent à partir d’une prise de sang, avant la naissance (test prénatal) ou après, à n’importe quel âge (test postnatal). Une part importante des analyses sont consacrées à deux maladies : l’hémochromatose et la thrombophilie non rare.

Les tests de pharmaco génomique, consistant à étudier les caractéristiques génétiques d’un individu pour prédire la réponse de son organisme à un médicament : effets secondaires, risques de surdosage, ou encore inefficacité. En 2013, plus de 3500 personnes ont bénéficié d’une trentaine de tests. Par exemple, l’un d’eux permet de prédire la toxicité au traitement par 5-FU (chimiothérapie) en cas de cancers colorectaux ou du sein. L’Inserm estime que la pharmacogénétique n’en est qu’à ses débuts, et que les laboratoires pharmaceutiques développent de plus en plus des tests génétiques associés à la réponse ou à la toxicité d’un traitement grâce à l’analyse des données génétiques des patients inclus dans les essais cliniques.

Les tests de génétique somatique, qui analysent le génome des cellules cancéreuses pour détecter des mutations survenues spécifiquement dans la tumeur et prédire la réponse à un traitement ciblé. On parle alors de « test compagnon » qui vont répondre à l’éligibilité d’un patient à un traitement, au suivi de l’efficacité, à d’éventuels troubles liés à l’usage du médicament, et à la prévention des rechutes. Ils sont réalisés à partir d’une biopsie (ou d’une prise de sang pour les cancers hématopoïétiques), dans l’une des 28 plateformes de génétique moléculaire réparties sur tout le territoire français et rattachées à des établissements hospitaliers.

 

Ces tests génétiques, bien que perfectibles et en constante évolution, sont de véritables révélateurs du patrimoine héréditaire santé du patient ainsi que de ses spécificités individuelles pour personnaliser au mieux la prévention de certains risques et le traitement adapté à une éventuelle pathologie, pour lui ou pour sa famille. Préventive, prédictive et personnalisée, les progrès scientifiques rendent la biologie toujours plus à même d’accompagner le patient pour mieux appréhender et gérer ses prédispositions biologiques tout au long de sa vie.