Interview du Dr Brigitte VIREY – Présidente du Syndicat National des Pédiatres Français

Interview du Dr Brigitte VIREY – Présidente du Syndicat National des Pédiatres Français

Bonjour Docteur Virey. En tant que pédiatre, pouvez-vous nous dire comment les analyses médicales participent à l’amélioration du diagnostic médical pour les enfants ?

C’est un vaste sujet où il y a plusieurs domaines, comme par exemple la recherche de maladies chroniques ou un exemple plus concret, un enfant avec une cassure de sa courbe de poids, de sa courbe de taille.

Nous avons donc besoin de biologie médicale dans les maladies chroniques, dans certaines maladies infectieuses, surtout maintenant avec les progrès de l’APCR (Activated protein C résistance) que l’on peut déterminer par exemple dans les méningites ou d’autres maladies congénitiques.

Après, il y a tout ce qui concerne la pathologie courante. Des prélèvements seront nécessaires dans le cas de suspicions d’infection urinaire ; il y a les prélèvements de la gorge, la ponction lombaire que l’on pratique lors d’une pathologie et où on a besoin d’analyse dès le début de la prise en charge.

Comment le biologiste et le pédiatre collaborent pour le suivi thérapeutique ? (diabète, hémochromatose, d’autres maladies chroniques que peuvent avoir les enfants…)

Je pense que cela dépend des relations entretenues avec les biologistes autour de soi. Personnellement, il y a des biologistes qui n’hésitent pas à m’appeler dès qu’ils ont un résultat qui est anormal, sans attendre qu’on reçoive les résultats pour nous en parler.

Nous aussi on peut être amenés à les contacter devant des résultats qui posent question, pour essayer d’aller plus loin dans le diagnostique et voir ce qu’eux peuvent proposer. De temps en temps, on peut avoir une collaboration directe qui est extrêmement importante et indispensable.

De l’autre côté, nous pouvons très bien recevoir des résultats avec des anomalies mais qui ne sont pas urgentes, et on en reste là.

Cela vaut pour la médecine de proximité, à l’hôpital, c’est une autre question.

Il est plus difficile à l’hôpital de recevoir les résultats car les circuits sont parfois complexes et longs. Il m’est déjà arrivé d’appeler plusieurs fois avant de les obtenir. Dans le cas d’une hospitalisation de l’enfant, le médecin de ville n’a plus accès aux résultats. Alors nous sommes obligés d’aller les chercher, c’est-à-dire de remonter la filière pour avoir les résultats.

Aussi, pouvons-nous recevoir les résultats tardivement, après avoir revu l’enfant en consultation. On nous dit toujours que normalement le malade doit sortir de l’hôpital avec son compte-rendu, son dossier, pour pouvoir revoir son médecin, mais dans la pratique, ce n’est jamais ça.

 

Comment voyez-vous ce trio pédiatre/ biologiste/ patient, voire parents de patients comme il s’agit d’enfant, évoluer, si évolution il y a ?

Je pense qu’il faudrait vraiment une collaboration plus étroite. Cela me semble important pour tout ce qui relève des pathologies chroniques et où on a besoin rapidement d’informations et de résultats.

Après on en vient à ce que je vous disais au départ, que tout dépend des relations que l’on entretient avec les biologistes. Chez moi, il y a un laboratoire pas très loin de mon cabinet et si j’ai un problème, je les appelle. C’est tout simple, la biologiste me dit, en combien de temps elle peut m’envoyer tel ou tel résultat et/ ou si elle peut le réaliser et nous avançons ensemble.

Il se peut nous avons besoin de résultats urgemment mais selon l’heure à laquelle on accueille le patient, ce n’est pas toujours possible. En pédiatrie, on peut faire recevoir à des consultations très tardives. Par exemple quand vous voyez un enfant à 19 heures, si vous voulez vraiment avoir un résultat, ce n’est plus possible en ville et vous êtes donc obligé de l’envoyer à l’hôpital.

 

Quel rôle a le pédiatre dans la diffusion d’information sur l’importance de l’examen biologique préventif auprès du grand public, notamment dans le cas d’allergies ?

L’importance c’est que les parents nous écoutent et qu’ils savent très bien que l’on ne va pas faire réaliser des examens à leurs enfants pour le plaisir de faire des examens.

Il est difficile de faire les prélèvements aux enfants ou de les piquer.

De temps en temps, ce n’est pas forcément de la biologie dans ces cas-là mais quand on a besoin d’autres bilans plus complexes pour faire des fibroscopies, on en discute avec les parents et on leur démontre la nécessité d’un examen. Je crois qu’ils savent qu’on ne prescrit pas inutilement.

 

Quand j’étais interne, mon patron me disait qu’il faut pouvoir dire ce qu’on attend d’un examen avant de le réaliser. J’ai pris cette habitude. Aujourd’hui quand je fais une ordonnance de biologie, j’explique aux parents l’examen en question et le résultat attendu. Finalement, vous prescrivez le strict minimum, car si vous n’attendez pas beaucoup, vous ne faites pas d’ordonnance.

Les parents adhèrent et comprennent très bien si un examen biologique est nécessaire et voient l’utilité de la biologie médicale lors du traitement. C’est leur enfant, ils sont inquiets. Il y a un problème particulier et donc ils adhèrent à ce que vous leur avez expliqué.

C’est peut-être un raisonnement pédiatrique. C’est possible. Parce que comme il y a toujours le triumvirat entre le pédiatre/ parent/ enfant, ça vous oblige à expliquer. Il faut expliquer aux parents mais il faut aussi expliquer à l’enfant quand il est en âge de comprendre. Il faut lui expliquer le pourquoi de la prise de sang par exemple.

Je pense que ça nous oblige à beaucoup plus de clarté et on ne peut pas contraindre quelqu’un à faire quelque chose s’il ne l’a pas comprise.

 

Quelles sont vos attentes envers le biologiste en tant que pédiatre et présidente du Syndicat national des pédiatres français ?

Je reviendrai sur la collaboration, c’est-à-dire effectivement, nous alerter sur des résultats anormaux, urgents ou pas urgents. Je crois que c’est surtout la collaboration entre les deux.

Mais il faut que nous, les pédiatres, soyons aussi dans la collaboration.

Cela m’arrive de prendre mon téléphone et de dire aux biologistes qu’ils vont recevoir une maman, avec un prélèvement un peu urgent où j’ai besoin du résultat urgemment.

On ne doit pas seulement faire une ordonnance… on peut en faire une quand ce n’est pas urgent mais quand on a en tête un diagnostic particulier, il ne faut pas hésiter et puis ça nous permet de discuter avec les biologistes et ça leur permet de nous donner leur avis. Par exemple, doit-on faire un prélèvement supplémentaire, ou doit-on utiliser une nouvelle technique, qu’ils utilisent maintenant mais pas avant.

Cela peut-être valorisant pour les biologistes qui sont souvent dans leurs laboratoires mais qui ne voient pas beaucoup les patients car les prélèvements sont majoritairement réalisés par les infirmiers. Cela peut être bénéfique pour tout le monde si on dialogue davantage.

 

Quel message de prévention vous souhaitez véhiculer avec les consultations de prévention que vous proposez (7,9,11 ans) ? Quelle consultation pour quel moment crucial de la vie d’un enfant ? Quel rôle peut jouer la biologie médicale lors de ces consultations ?

Est-ce qu’elle peut jouer un rôle ? Cela ne saute pas aux yeux comme ça. Mais on s’y intéresse de plus en plus.

Par rapport à la courbe poids/ taille, s’il y a quelque chose d’anormal, on peut avoir recours à la biologie médicale. Les problèmes scolaires, abordés lors des consultations, relèvent exceptionnellement la biologie médicale ; les scolioses ne relèvent pas de la biologie mais il y a les pubertés précoces où nous utilisons la radiologie et aussi la biologie. C’est à peu près ce que je vois en terme de nécessité en lien avec la biologie.

 

Le pédiatre reçoit-il suffisamment d’informations sur les dernières évolutions de la biologie médicale ?

Pas du tout ! Ça pourrait être intéressant que tous les médecins de façon générale, pas seulement les pédiatres, puissent être tenus au courant quand il y a des nouvelles techniques en biologie médicale par exemple.

Nous avons la possibilité d’apprendre des choses mais par l’axe de l’hôpital. Donc ce sera intéressant pour nous, sous forme de newsletter à destination des médecins par exemple.

Parfois, on se demande si ça nécessite un prélèvement sanguin important, ou doit-on ou pas utiliser la micro-méthode… Comme il y a eu beaucoup d’évolution, tant qu’on était à l’hôpital, nous suivions les avancés, aujourd’hui on le sait nettement moins.

 

Quelles sont vos préconisations pour que la biologie s’adapte aux enfants ? « Il est difficile de piquer les enfants, il est difficile de leur expliquer… »

C’est très « personne-dépendant ».

Il y a des exemples de laboratoires qui sont à l’opposé, des laboratoires où ils ne savent pas prendre en charge les petits. Bien sûr, ce n’est pas facile de piquer un petit, voire un petit nourrisson de quelques mois.

Mais dans ces cas-là, ils doivent avoir la possibilité de dire non, nous on ne peut pas faire. Mais entre eux, dans leur réseau, ils peuvent conseiller d’aller voir les uns ou les autres mieux placés pour le faire. Ce n’est pas facile pour eu d’assumer, car ils ont peut-être l’impression de perdre des patients.

J’ai le souvenir d’un petit qui a été piqué plusieurs fois, le papa est intervenu pour dire stop, je repars avec mon enfant.  « Je ne sais pas combien de fois ils l’ont piqué mais ils n’y arrivaient pas. » Non, on essaye une fois, éventuellement une deuxième fois et on arrête, on passe la main. Il n’est pas acceptable de s’acharner sur un enfant.

A l’opposé, il y a des laboratoires qui acceptent tout à fait que les parents passent avant le prélèvement avec les patchs EMLA (des patchs qui anesthésient localement avant un prélèvement/ une piqure) et les infirmiers regardent où ils vont faire la prise de sang, afin qu’ils mettent le patch à cet endroit-là. Les parents reviennent une heure plus tard et tout se passe bien. C’est sûr que ça leur demande du temps, mais pour les enfants, c’est beaucoup plus rassurant. Ils ont vu la personne et le laboratoire avant. C’est vraiment dans l’approche de l’enfant. Il faut adopter ce temps long d’un enfant. Un enfant n’est pas dans le temps rapide comme un adulte où une prise de sang peut se faire en 5 minutes et puis l’adulte repart. Un enfant a besoin de voir, d’appréhender, de comprendre.

C’est un peu compliqué, mais quand ils peuvent le faire c’est bien car l’enfant est plus en confiance, il a moins peur et ça se passe mieux.

Il faut peut-être aussi que les réseaux entre eux échangent, améliorent la formation de leurs infirmiers etc… Après je conseille toujours aux parents de téléphoner avant au laboratoire, parce que souvent il n’y a qu’une personne qui sait faire une prise de sang sur un enfant et donc c’est mieux d’aller au laboratoire quand cette personne est présente.

 

Docteur Virey, nous vous remercions pour cet interview.