Résistance aux antibiotiques, nouvel enjeu de la biologie médicale

Résistance aux antibiotiques, nouvel enjeu de la biologie médicale

La découverte des propriétés antibiotiques de la pénicilline en 1928 signe le début d’une nouvelle ère pour la lutte contre les infections bactériennes. Une ère qui, d’ici les 10 prochaines années, touchera très probablement à sa fin. Malgré l’efficacité prouvée des substances bactéricides, les organismes unicellulaires ciblés par ces substances ont su s’adapter et survivre en développant leur propres parades.

Un antibiotique est une substance qui va empêcher le bon fonctionnement d’un processus vital ou reproductif dans une bactérie. Chaque famille de bactéricides s’attaque donc à des fonctions particulières du métabolisme ou de la structure de la cellule cible. Les structures ciblées allant de la paroi cellulaire au noyau, et les fonctions de la synthèse des acides nucléiques au métabolisme des folates. En bloquant ou détruisant ces mécanismes, on obtient des résultats allant de l’absence de réplication à la mort totale d’une infection.

Les organismes unicellulaires possèdent un métabolisme complexe, dont une quantité très importante de rouages est essentielle à son fonctionnement. La disruption d’une infime partie de ce cycle peut avoir des conséquences catastrophiques sur l’intégrité de la bactérie. Malgré tout, les bactéries possèdent une vitesse de réplication extrêmement rapide et un taux de mutation variable. L’utilisation d’un bactéricide va appliquer sur l’infection une pression de sélection qui va favoriser les individus résistants. Si une seule bactérie a dévellopé, par pur hasard, une mutation lui permettant d’échapper ou de limiter les dégats causés par les antibiotiques, alors cette unique cellule devient la seule survivante. Elle a donc un accès sans compétition vers les sources de nourriture et de l’espace pour se développer et se multiplier, garantissant à ses descendants la même résistance antibiotique. Les facteurs principaux influençant cette dynamique sont la durée et l’intensité du traitement. Un traitement plus long va maintenir la pression de sélection dans le milieu plus longtemps, augmentant les chances d’apparition d’une mutation aléatoire utile chez une bactérie. Et une intensité du traitement plus forte renforce la sélection naturelle des bactéries immunisées, au détriment des autres. C’est ainsi que l’on constate que la facilité que nous avions à détruire l’intégrité cellulaire, en déréglant ou bloquant une infime partie du métabolisme bactérien, entraîne également une plus grande facilité à le réparer.

Malgré l’apparente facilité avec laquelle l’évolution darwinienne a su déjouer les progrès de la biologie médicale, il reste important d’apprendre de nos erreurs et de ne pas rejeter entièrement la faute sur des mécanismes de sélection antédiluvien. La cause majeure de développement de résistance aux antibiotiques est l’utilisation abusive de ces derniers, notamment dans les pays développés. L’utilisation de bactéricides pour soigner des infections virales est un non-sens et devrait être évité à tout prix. De la même manière, nous absorbons en permanence de petites quantités d’antibiotiques contenus dans la viande et les poissons d’élevage, encourageant le développement de souches résistantes. En attendant de trouver de nouvelles solutions, il est donc important de limiter au maximum sa prise d’antibiotiques et de suivre les recommandations de la World Health Organisation sur le sujet. (http://www.who.int/campaigns/world-antibiotic-awareness-week/fr/).

En premier rempart contre ce nouveau danger, les biologistes ont priorisé la mise au point de tests de dépistage de plus en plus pointus, dont le but est de déterminer plus précisément la nature et les particularités biologiques d’une infection. Cela permettrait ainsi aux médecins de pouvoir trouver le meilleur compromis possible entre la santé de leur patient et la nécessité de limiter leur consommation. Toutefois, la meilleure défense contre la plupart des infections microbiennes restent avant tout le vaccin. Et il est d’autant plus important aujourd’hui d’être à jour sur ses vaccinations et d’être mis au courant du développement de nouveaux vaccins.

Dans le cadre d’une solution à plus long terme, la recherche bio-médicale travaille déjà activement à l’élaboration de plusieurs techniques alternatives prometteuses afin de remplacer les antibiotiques. L’utilisation de bactériophages, les ennemis naturels des bactéries, constituent une solution efficace dans les années à venir. Malgré leur découverte avant les antibiotiques, ils ont été abandonnés au profit des antibiotiques, moins chers et plus facile d’emploi. Ils pourraient donc revenir en force avec la perte d’efficacité des bactéricides. Une autre solution est d’utiliser la technologie de modification de l’ADN : CRISPR/Cas9. Cela permettrait de retirer aux bactéries la partie de leur matériel génétique codant pour leur immunité. L’avantage de cette solution étant qu’elle offre un potentiel de renouvellement infinie grâce à la capacité d’enlever aux cellules leurs résistances advitam.

En conclusion, il est important d’adopter dès maintenant une relation plus maîtrisée avec la prise d’antibiotiques, de manière à retarder l’apparition de souches de cellules résistantes. Cela passe par notre consommation personnelle mais également celle de nos animaux d’élevage. La recherche en biologie médicale est en phase de développer des solutions alternatives prometteuses qui, à terme, devraient pouvoir prendre le relais dans la lutte contre les infections bactériennes.